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Question de M. Loïc Hervé (Haute-Savoie - UC) publiée le 11/04/2024

Question posée en séance publique le 10/04/2024

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

M. Loïc Hervé. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Madame la ministre, à l'heure où l'on apprend qu'en 2024 le déficit public de la France atteindra plus de 5 % du PIB au lieu des 4,4 % initialement prévus et qu'il faut donc faire des économies tous azimuts, le régime d'indemnisation du chômage des travailleurs frontaliers interroge plus que jamais.

En effet, selon le droit européen en vigueur, un Français domicilié en France qui perd son emploi dans un État membre de l'Espace économique européen ou en Suisse est principalement indemnisé par l'Unédic.

C'est par rapport à la Suisse que l'application de cette règle est la plus problématique. En effet, ce pays réunit 43 % des Français travaillant dans un pays frontalier, un pourcentage qui ne cesse d'augmenter. Surtout, les rémunérations versées en Suisse sont très largement supérieures aux salaires français : le salaire minimum y est de 4 400 euros brut par mois, contre 1 767 euros brut en France.

Résultat : entre 2012 et 2020, les sommes déboursées par l'Unédic en raison de ce dispositif ont explosé. Elles sont passées de 540 millions à 920 millions d'euros par an, soit une hausse de 400 millions d'euros, due pour 70 % aux seules personnes ayant subi un licenciement en Suisse.

Madame la ministre, cette règle internationale est à l'évidence très défavorable à la France. Allez-vous enfin tenter de rééquilibrer les choses en notre faveur ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. - Mme Frédérique Puissat et M. François Bonhomme applaudissent également.)


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention publiée le 11/04/2024

Réponse apportée en séance publique le 10/04/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, vous avez parfaitement raison, et votre constat est totalement juste.

Les règles d'indemnisation du chômage des frontaliers qui travaillent dans un pays de l'Union européenne ou en Suisse et qui résident en France sont régies par le règlement européen (CE) n° 883/2004.

Ces règles - vous l'avez dit, je ne peux que le répéter - sont particulièrement défavorables à la France, car elles conduisent à ce que les prestations soient versées par le pays dans lequel réside le chômeur et non par celui dans lequel il a cotisé.

Une compensation par les États dans lesquels les personnes ont cotisé est effectivement prévue par le règlement précité, mais elle est très loin de couvrir les coûts supportés par notre assurance chômage, d'autant plus que le salaire moyen est particulièrement élevé en Suisse.

Malheureusement, ce problème ne peut pas se résoudre en droit interne et ne relève pas du périmètre de la réforme de l'assurance chômage. Je le dis devant M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre délégué chargé de l'Europe, c'est une question de droit européen qui suppose de parvenir à un consensus avec les autres États membres.

La France a proposé un projet de révision de ce règlement, pour que l'État dans lequel la personne a travaillé prenne en charge l'indemnisation. Cela semble logique, mais, malheureusement, bon nombre d'États membres s'y opposent. Cette négociation, qui porte sur l'ensemble des volets de la sécurité sociale, dure depuis 2016.

Pour autant, nous sommes évidemment déterminés à faire avancer cette négociation. Je remercie d'ailleurs la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, Fadila Khattabi, qui me représentera dès la semaine prochaine à Bruxelles lors d'un conseil des ministres des affaires sociales, d'accepter cette lourde tâche.

Vous l'avez noté, j'ai cité trois des ministres présents cet après-midi au banc du Gouvernement. J'espère qu'en leur compagnie, à quatre, nous ferons avancer ce dossier ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Madame la ministre, j'ai peut-être raison, mais cela représente tout de même 9 milliards d'euros depuis le début des négociations en 2016.

Mme Catherine Vautrin, ministre. C'est pour cela que je vous le concède !

M. Loïc Hervé. Ce n'est pas faute d'avoir sans cesse alerté vos prédécesseurs par divers moyens - courrier ou question écrite -, laissés le plus souvent sans réponse.

M. Jean-François Husson. Eh oui !

M. Loïc Hervé. J'entends votre volontarisme sur ce dossier. Il faut agir, ne serait-ce que par respect pour les entreprises françaises et leurs salariés qui portent la charge de cette indemnisation du chômage des travailleurs transfrontaliers licenciés à l'étranger.

Le financement de l'écart ne peut pas incomber à ces personnes et à ces entreprises. Les élections européennes constituent sans doute un moment opportun pour faire avancer ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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